En face, ce sont Eux. Ce sont mes frères, mais je ne le sais
pas.
Les tambours se taisent, je dévale la pente, j'agite mon glaive...
Ma lame de bronze est rouge à présent. Le fracas. Le
silence.
Il fait chaud, mon armure me pèse.
Je lance mon cheval au galop, Ils sont derrière la dune.
Une flèche, mon sang irrigue cette terre qui n'est pas mienne.
On me dit sorcière, On me traine au bucher.
Mes simples ont guéri des hommes, l'un d'entre eux m'a dénoncée.
La foule hurle, je me tais.
Il fait froid. Il neige. Mon sabre taille comme une faux dans un champ.
Ils veulent rentrer chez eux, Ils n'y arriveront jamais.
Une silhouette. Une détonation. L'horizon est de nouveau lisse.
Pourquoi?
Une détonation. Mon horizon s'est rapproché, l'herbe
est devenue forêt. Pourquoi moi?
Toujours plus à l'ouest...
Des hommes au teint cuivré, des hommes à la peau pâle.
Des hommes aux cheveux noirs huilés, des hommes aux cheveux
blonds bien peignés.
Une terre à prendre, une terre à garder. Je suis le prix
à payer.
Je suis sur un bateau. On m'a volé mes récoltes, On m'a
exilé, au nom de mon Dieu.
Parce qu'On le vénère différemment, On ne tolérait
pas mes chants.
Minuit au Transvaal. Une allumette au loin. Une braise, deux braises,
trois braises...
D'une caresse, je déchire le silence, la troisième braise
disparait.
C'était un ami que je ne connaissais pas.
Petit matin en Champagne. On me dit de sortir, On me dit invincible,
immortel.
Je cours, je hurle, je suis aveugle et mon fusil me sert de canne blanche.
Je suis une pluie de sang.
J'ai condamné un homme parce qu'il possédait sa propre
terre.
Je suis un homme condamné, mon crime a été de
vouloir nourrir ma famille.
Nuremberg, Munich, Berlin, je suis au premier rang, Il s'agite, Il crie
plus qu'Il ne parle, je ne l'entend pas, je ne veux pas l'entendre.
J'ai peur, car je sais.
Yalta, trois hommes se partagent le monde.
Combien vont ils causer de souffrances, sous prétexte de les
éviter?
Dallas, sur mon ordre un homme est tué.
Je suis une enfant, je cours sur la route, j'ai mal, le feu...
Je suis le cerveau de l'oiseau d'acier, j'engendre la mort.
Je ne comprends pas, je ne sais pas, je ne veux pas savoir.
J'ai peur de savoir, peur de comprendre.
Peur de me comprendre.
Les anciens maîtres sont partis, les frontières sont restées.
Nos ancêtres étaient des frères, nous sommes des
étrangers.
La haine est notre héritage.
Je suis seul. Seul face à moi-même.
J'ai fait ce qu'On m'a dit de faire, On m'a remercié, félicité.
Que me reste-t'il? Un ruban, un disque doré, des remords.
Mes amis d'hier sont tombés à mes cotés, mes amis
d'aujourd'hui...
Les seuls qui pourraient être mes amis aujourd'hui, ce sont ceux
qu'hier j'ai tué.
Mon âme est multiple, forte de toutes ces âmes que j'ai
dévoré.
Dans le silence de la nuit, bourreaux et victimes, je les entend hurler.
Je suis la Folie des hommes, et j'ai honte quand je vois cette mère
pleurer.
Elle pleure son fils. Il était à mes cotés.