Sir Thomas Malory la baptisa Elaine, et lui donna un fief, Ascolat.
Tennyson, dans "Idylls of the King", la surnomme "La Dame au Lys d'Astolat",
mais, pour les besoins de la rime, déforme le nom de son fief. Elle
devient ainsi "la Dame de Shalott" qui meurt quand "elle regarda Camelot".
Mais nous rencontrons plus tard Elaine d'Astolat, et son histoire tragique
-son amour pour Lancelot, sa mort causée par le chagrin issu de
cet amour non partagé, la descente de son corps sur une barque à
la dérive, jusqu'à la cour de Camelot- ne laisse aucun doute,
il s'agit bien de la même personne.
De nombreux auteurs médiévaux ont repris l'histoire.
Dans le "Mort Artu" (Lancelot-Graal), elle tente de convaincre Lancelot,
par la ruse, de porter ses couleurs au tournoi, et elle lui déclare
hardiment sa flamme. Elle y est dépeinte comme une femme volontaire
et obstinée, ce qui rend le récit trés favorable à
Lancelot, qui a su trouver la force de résister à ses charmes
et à ses avances.
Dans le "Morte Arthur" (env. 1400, inspiré du précédant),
Lancelot est conscient de l'amour que lui porte Elaine, et il la suit dans
sa chambre pour la réconforter. La, il se refuse toujours à
lui rendre son amour, mais il accepte de porter ses couleurs au tournoi
pour ne pas plus l'affliger.
Dans le "Morte Darthur", Malory prétend que Lancelot ignore
tout de l'amour d'Elaine, et qu'il accepte de porter ses couleurs au tournoi
uniquement parce qu'il espère ainsi tromper ses frères et
cousins, qui eux aussi participent à ce même tournoi, et retirer
un avantage de la surprise. De mon point de vue, cette conduite est indigne
d'un chevalier...
Toutefois, Malory nous présente Elaine comme une véritable femme de chair et de sang, capable de confier au prêtre qui l'assiste, dans ses derniers instant, une déclaration d'amour flamboyante de passion à l'égard de Lancelot ("Pourquoi ne devrais-je point avoir de telles pensées? Ne suis-je point une femme sur terre?"), et qui, dans sa lettre d'adieu, demande seulement à Lancelot de prier pour elle, ce qui montre la reconnaissance d'un pair plutôt que la supplique d'une victime.
Merci à Totoro pour ses recherches.
Sources de Totoro :
Idylls of the King de Alfred, Lord Tennyson
Chronicles of King Arthur de Andrea Hopkins
The New Arthurian Encyclopedia Editée par Norris J. Lacy
Lors de la traduction/réécriture de ce texte, j'ai également
utilisé :
"An Arthurian Dictionary", de Minary et Moorman, dans sa version française
traduite par H. Pasqualini, parue aux éditions Terre de Brume.
Il reste juste un point qui n'a pas eu l'air de préoccuper les chercheurs... Qu'en est-il de la malédiction, qu'en est-il du miroir?
There she weaves by night and day
A magic web with colours gay.
She has heard a whisper say,
A curse is on her if she stay
To look down to Camelot.
She knows not what the curse may be,
And so she weaveth steadily,
And little other care hath she,
The Lady of Shalott.And moving thro' a mirror clear
That hangs before her all the year,
Shadows of the world appear.
There she sees the highway near
Winding down to Camelot:
And sometimes thro' the mirror blue
The knights come riding two and two:
She hath no loyal knight and true,
The Lady of Shalott.But in her web she still delights
To weave the mirror's magic sights,
For often thro' the silent nights
A funeral, with plumes and lights
And music, went to Camelot:
Or when the moon was overhead,
Came two young lovers lately wed;
"I am half-sick of shadows," said
The Lady of Shalott.et :
His broad clear brow in sunlight glow'd;
On burnish'd hooves his war-horse trode;
From underneath his helmet flow'd
His coal-black curls as on he rode,
As he rode down to Camelot.
From the bank and from the river
He flash'd into the crystal mirror,
"Tirra lirra," by the river
Sang Sir Lancelot.She left the web, she left the loom,
She made three paces thro' the room,
She saw the water-lily bloom,
She saw the helmet and the plume,
She look'd down to Camelot.
Out flew the web and floated wide;
The mirror crack'd from side to side;
"The curse is come upon me," cried
The Lady of Shalott
Selon mon interprétation personelle, Elaine savait depuis longtemps que son amour pour Lancelot ne serait pas payé de retour. Le miroir représente le monde des rêves, tandis que la fenêtre symbolise la réalité. En contemplant le monde à travers son miroir, elle fuit une réalité qui lui déplait pour admirer un Camelot idéal, où siège un Lancelot qui la préfère à Guenièvre, sa rivale. Voyant un soir le reflet de deux jeunes mariés dans le miroir, elle en éprouve de la gène, voire du dégout ("I am half-sick of shadows"), car elle sait qu'elle ne pourra jamais être au coté de Lancelot -on ne peut pas, en même temps, être des deux cotés du miroir.
Donc, voyant le reflet de Lancelot, elle se lève et va regarder à la fenêtre, renonçant ainsi à Oniros, symbole marqué par le bris du miroir, qui lui interdit tout retour. Piégée dans la réalité, elle n'a plus qu'à subir sa malédiction -l'amour vain qu'elle voue à Lancelot, et, ne pouvant plus supporter la vie de ce coté-ci du miroir, elle se laisse périr de langueur.