THE TOWN I LOVED SO WELL
(© Phil Coulter) In my memory I will always see
In the early morn the shirt factory horn
There was music there in the Derry air
But when I returned how my eyes were burned
Now the music's gone but they carry on
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Cette chanson décrit la tristesse et la nostalgie d'un habitant de Derry à l'égard de sa ville, saccagée lors de l'opération Motorman et de ses suites.
Les origines :
Au début de l'année 1972, l'IRA, affaiblie par l'internement
et la montée des mouvements non-violents en faveur des droits civiques
(elle a perdu entre 500 et 1000 volontaires sur les 2500 qu'elle comptait
en 1971), ainsi que par quelques "bavures" (comme l'assassinat de William
West, membre du Royal Irish Ranger et habitant de Derry), propose une trêve
au gouvernement anglais. Trêve qui sera acceptée, mais pas
suivie d'effet en ce qui concerne les négociations portant sur le
découpage des districts catholiques et protestant ainsi que sur
la répartition des logements sociaux.
Toujours durant la même période, fin mars 1972, le gouvernement
Faulkner de Stormont est suspendu, et l'Irlande repasse sous tutelle britannique,
c'est la fin du "home rule" tant décrié de part et d'autre,
et le début du "direct rule" qui durera jusqu'en 1999, et qui ne
sera pas forcément meilleur.
Ce gouvernement était à forte majorité unioniste
(c'est à dire partisan d'un maintien de l'Irlande du Nord dans le
Royaume Uni), et était responsable d'une répression bien
pire que celle qu'avait commis les troupes anglaises, au point que, en
1969, les catholiques ont vu débarquer les soldats anglais avec
soulagement - ils venaient les protéger contre les violences protestantes,
ce que l'IRA, désarmée, avait été incapable
de faire! Ce soulagement n'a été que de courte durée,
mais il a été bien réel.
Pour mémoire, c'est ce gouvernement "Home Rule" nord-irlandais
qui est à l'origine de l'internement, auquel s'opposait Tuzo, commandant
des forces anglaises en Irlande du Nord.
Les causes de la suspension du "Home Rule" sont à chercher dans
la flambée de violence du début 1972, que Stormont a été
incapable (mais le voulaient-ils vraiment?) d'endiguer, et qui a justifié
la création par l'IRA de "communes libres" à Derry, Belfast,
et dans d'autres villes ayant des quartiers catholiques soumis aux pogroms
protestants.
Le gouvernement anglais a alors proposé au gouvernement "Home
Rule" de reprendre pour son compte le maintien de la paix, de l'ordre et
de la loi, ce que Faulkner a refusé (car alors, les bavures n'auraient
plus pu être couvertes, et les paramilitaires protestants auraient
pu être inquiètés!).
Stormont étant toujours aussi incapable de faire cesser les
troubles, le Parlement de Westminster a donc légiféré
pour mettre fin au "Home Rule".
Pour prouver à tous sa capacité à agir militairement (et devenir ainsi plus crédible lors de négociations ultérieures avec le gouvernement anglais), l'IRA lance le vendredi 21 juillet, à Belfast, une campagne d'attentats sans précédent : 22 bombes exploseront en 75 minutes dans le centre de Belfast, faisant 9 morts et environ 130 blessés. Bien qu'ayant été prévenues de chaque explosion avec assez d'avance pour faire évacuer les lieux, les autorités ont préféré attendre et ramasser les victimes, de manière à discréditer l'IRA et à légitimiser ce qui va suivre... l'opération Motorman.
L'objectif :
Anéantir les zones d'interdiction administrées par l'IRA
(comme la commune libre de Derry - "Free Derry") et y rétablir la
loi et l'ordre au nom de la Couronne.
Le déroulement :
Durant la dernière semaine de juillet 1972, le contingent anglais
en Irlande se renforce de 4 000 combattant, atteignant ainsi le total respectable
de 21 000 combattants, qui seront engagés le 31 juillet dans l'opération
Motorman.
Pour mémoire, l'IRA comptait à l'époque 1 500
à 2 000 volontaires, plus environ 3 000 réservistes.
Cette force a commencé à encercler les bastions républicains
avant de donner l'assaut, appuyée par des blindés légers
ainsi que par des chars lourds équipés de lames de bulldozer
pour déblayer les barricades.
Ordre avait été donné d'employer toute la force
disponible pour faire cesser toute résistance, allant jusqu'à
préconiser l'emploi de lance-roquettes antichar.
L'IRA a eu la sagesse de ne pas risquer la vie de civils dans cette
bataille perdue d'avance et s'est éclipsée sans combattre,
ce qui donne le bilan miraculeux de deux morts (un adolescent catholique
et un membre de l'IRA) pour l'ensemble de l'opération!
Cette opération est la plus grande opération militaire que l'armée anglaise ait menée depuis Suez, dépassant même son engagement en Corée, au Viet-Nam, et, plus près de nous, en Irak.
Dans les semaines qui ont suivi, des postes militaires avancés
ont été établis dans les anciennes zones d'interdiction,
les écoles ont été réquisitionnées pour
servir de casernes de fortune, les rues et les carrefours ont été
barrés par des chevaux de frise, les patrouilles en blindé
sont devenues systématiques et les héritiers de Cromwell
ont bien montré qu'ils étaient de retour, multipliant les
rafles, les destructions de biens, et les brutalités diverses, entre
autres exactions.
L'Irlande du Nord était de nouveau un pays en guerre...
Les conséquences :
Entre le début de l'opération Motorman et juin 1973,
près de 1200 personnes seront internées, total qui sera porté
à 1500 fin novembre 1973. A l'automne 1973, l'internement frappera
même des enfants!
Quant à l'armée, elle pratiquera des exécutions
sommaires quand elle arrêtera des militants républicains notoires,
comme Eddie O'Rawe et Jimmy Rowntree, deux "Provos" arrêtés
désarmés à Belfast, et immédiatement assassinés
par les parachutistes qui venaient de procéder à l'arrestation.
Tout cela donnera un second souffle à l'IRA, qui reprendra de plus belle ses campagnes militaires en 1973, en bénéficiant d'un armement tout neuf en provenance de Lybie et des USA.